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Les usages passés et actuels de l'eau

Nos thèmes de recherche

Nous nous intéressons aux ouvrages liés à l’eau, aux formes des cours d’eau et aux usages associés à ces formes (lavoirs, moulins, fontaines, canaux d’irrigation, etc.). Les aménagements réalisés par l’homme au cours du temps ont laissé des traces plus ou moins visibles dans les paysages. Nous cherchons à retrouver cet héritage, à la fois sur le terrain, et dans les archives.

Une partie d’entre nous (les géographes et géomorphologues), étudie sur le terrain les caractéristiques du paysage, réalise des sondages du sol, analyse les sédiments présents dans la rivière et sur ses berges pour comprendre comment l’aspect des fonds de vallée a évolué au cours des derniers siècles et à quoi les aménagements ont servi à différentes époques. 

D’autres (les historiens) se concentrent sur l’histoire des paysages agraires et des forêts, en mêlant les dimensions socio-économiques paysagères et environnementales. Dans ces recherches, les archives publiques et privées sont des mines d’or pour approcher, à des échelles micro-locales, les réalités et le vécu des habitant·e·s, ainsi que pour comprendre l’évolution, du Moyen-Âge à nos jours, les dynamiques de peuplement humain et la démographie d’un territoire.

Pour ces deux types de recherches, la cartographie et l’étude des photographies aériennes permettent de repérer les zones d’intérêt, car elles ne sont pas toujours visibles "à l’œil nu”. En effet, avec le temps, les constructions deviennent ruines et certains paysages se referment. Les traces des usages anciens disparaissent alors, lorsque la végétation reprend le dessus, masquant les restes d’anciennes activités liées à l’eau. Les images LiDAR* (scan aérien haute définition de la surface du sol réalisé en Morvan en 2019) permettent de révéler ces constructions et traces qu’il est difficile, voire impossible d’identifier sur le terrain. On les confronte à d’autres documents (des cartes anciennes, le cadastre dit “napoléoniens”, des photographies aériennes ou au sol etc.) pour retrouver les lieux, les usages et les noms. Les archives sont aussi essentielles pour alimenter les études de terrain. Communales, départementales, régionales, notariales ou privées : elles peuvent prendre la forme d’anciens plans, de courriers, de registres, de rapports d’étude, voire de photographies anciennes et regorgent d’informations qu’il faut repérer, trier, analyser, croiser, afin de retracer cette histoire de l’eau.

Les applications dans le Morvan autour des enjeux de l’eau

L’histoire fluviale du Morvan a été fortement marquée par la pratique du flottage du bois. À partir du XVIIe siècle, les hommes ont aménagé le lit des cours d’eau pour conduire le bois de chauffage des forêts du Morvan jusqu’à Paris, en passant par l’Yonne puis la Seine. Nos travaux sur le Grand Site de France se focalisent sur les traces laissées par cette longue histoire, pour reconstituer la trajectoire des cours d’eau ainsi exploités. Pour faciliter la dévalaison des bûches de bois des petites rivières du haut Morvan vers la moyenne vallée de l’Yonne puis la Seine, des lâchers d’eau très réguliers étaient en effet effectués à partir de petites retenues construites sur toutes les têtes de bassin. Cette pratique a eu de grands impacts. Elle a, sous les déversoirs des étangs, érodé le lit de la rivière ; plus en aval, l’apport de ces sédiments arrachés en amont a rehaussé le lit de la rivière. Les berges ont ainsi dû être renforcées par enrochement et le lit a été très souvent déplacé au pied des versants, pour être proche des zones de coupes forestières.  Des débris d’écorce ont colmaté le fond des lits et des volumes très importants de sédiments se sont déposés sur les plaines alluviales, modifiant ainsi fortement le fonctionnement biophysique du fond de vallée.

Lorsqu’une rivière reste “libre”, elle est potentiellement plus large et moins profonde. Elle offre une plus grande diversité d’habitats pour la faune et la flore aquatique. Son tracé peut également évoluer plus vite et les échanges avec sa plaine alluviale sont facilités. La restauration écologique actuelle promeut ainsi, souvent, le retour à une certaine liberté du cours d’eau. Mais chaque situation est particulière et il convient avant tout de bien caractériser la trajectoire de chaque rivière et son fonctionnement contemporain avant de choisir d’intervenir ou pas.

Nous souhaitons que nos recherches aident les gestionnaires des cours d’eau et leurs riverains à faire des choix éclairés : en comprenant mieux l’histoire de ces petites rivières, les chemins de l’eau dans les fonds de vallées à travers les âges (où elle passait, comment elle a été déviée, canalisée, utilisée) et les impacts sur l’écoulement et les écosystèmes actuels, on dispose de clés pertinentes pour choisir. Aménager ou ne pas aménager (conservation) : ces choix ont des impacts sur les cours d’eau et les écosystèmes de fonds de vallées. Ce sont de vraies questions car la restauration écologique, promue en France depuis une vingtaine d’années, n’est pas une évidence : les écosystèmes peuvent prendre plusieurs années à retrouver un équilibre à la suite de réaménagements. Dans le Morvan, les petits cours d’eau aménagés pour le flottage doivent-ils être restaurés, au risque de faire disparaître ce qui est peut-être perçu comme un patrimoine ?

D’un point de vue historique, des travaux de thèse (Vincent Balland, 2023) sur l’évolution des espaces forestiers et de leur gestion, entre la fin du XIIIe siècle et aujourd’hui, portant sur 8 communes du Haut Morvan (dont 6 dans le Grand Site de France) ont permis d'acquérir une bonne connaissance du passé du territoire. Ce travail se poursuit dans le projet COUDRIER en se concentrant sur les relations entretenues entre les habitant.e.s et leurs cours d’eau, au travers de l’histoire des usages en général, et plus particulièrement les évolutions des systèmes d’irrigation et des moulins. 

Intégrer le projet COUDRIER nous permet d’être au contact des habitant.e.s et usagers de ce territoire, grâce au travail ethnographique de la Maison du Patrimoine Oral de Bourgogne. Cela nous permet de retrouver auprès d’eux (de vous !) la mémoire de ce patrimoine et de partager nos recherches. En effet, nous sommes convaincus que l’étude des expériences passées donnent des pistes de réflexion pour l’avenir, et que croiser les connaissances de chacun permet de choisir en conscience l’avenir des paysages morvandiaux. 

Prolongez nos recherches en participant vous aussi à l’identification d’ “objets” liés à l’eau, dans les paysages et dans les archives ! Deux tutoriels vous sont proposés ci-dessous pour vous y aider.

Qui sommes-nous ?

Nicolas Jacob-Rousseau

Géographe et géomorphologue au Laboratoire Archéorient de l’Université Lyon 2.

Spécialisé dans la géohistoire de l’environnement, l’étude historique du paysage et de l’exploitation de la ressource en eau.

Frédéric Gob

Géographe et géomorphologue au Laboratoire de Géographie Physique Pierre Birot de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Spécialisé dans la géomorphologie fluviale, l’histoire environnementale des hydrosystèmes et la restauration écologique des milieux fluviaux.

Vincent Balland

Historien, archéologue et médiéviste au Centre archéologique européen de Bibracte.

Spécialisé en histoire de l’environnement, et plus particulièrement des paysages agraires et des forêts du Morvan, entre la fin du XIIIe siècle et aujourd’hui.

Vincent Guichard

Archéologue et directeur du Centre archéologique européen de Bibracte

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