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Trajectoires de l'eau

Fonctionnement d’un hydrosystème du Morvan

Le Morvan, situé au cœur de la Bourgogne, est une région de moyenne montagne caractérisée par ses formations géologiques anciennes, ses précipitations abondantes et son réseau hydrographique dense. Ce paysage unique repose sur un socle constitué de formations dites métamorphiques (transformées au fil des temps géologiques par la chaleur et la pression dans l’écorce terrestre) et magmatiques, conférant aux sols une faible perméabilité.

1L’eau dans le sol et les écosystèmes

Hydrologie et climatologie

2L’eau du sous-sol et les sources

Géologie et hydrogéologie

3Les usages passés et actuels de l'eau

Géographie physique, géomorphologie, histoire et géoarchéologie

4Les savoirs sur l'eau

Anthropologie

Roches plissées métamorphisées

Granite (plus ancien)

Granite (plus récent)

Horizon fissuré (régolithe érodé)

Dyke

Le cycle de l’eau dans le Morvan commence par les précipitations, bien réparties tout au long de l’année grâce au climat océanique dégradé de la région. Lorsque la pluie tombe, une partie de l’eau s’infiltre dans le sol jusqu’à atteindre les roches sous-jacentes. Les granites et autres roches métamorphisées du Morvan sont traversés par des fractures et des réseaux poreux formés au cours de l’histoire géologique. Ces structures agissent comme des stocks et des conduites naturelles permettant de conceptualiser le fonctionnement hydrogéologique de la région d’étude.

Les formations les plus anciennes sont d’origine volcano-sédimentaire. Elles ont été plissées et marquées par l’intrusion de sous-ensembles granitiques (plutons* et dykes*). Cet ensemble a été altéré par des fluides hydrothermaux anciens, créant des poches de roches relativement poreuses. Finalement, cet édifice d’âge paléozoïque (entre -550 et -250 millions d’années avant le présent) est surmonté par une couche plus ou moins argileuse d’arène (sable grossier formant une roche sédimentaire meuble), qui s’étend au-dessus d’un niveau fissuré (l’une et l’autre beaucoup plus récentes).

L’infiltration de l’eau de surface est directement stockée dans l’arène (lorsqu’elle n’a pas été érodée) et percole à travers les couches fissurées et les zones altérées de la roche plus profonde. Il existe donc deux types de stocks à forte porosité et faible perméabilité : le premier, superficiel, dans les arènes non érodées, et le second dans les roches hydrothermales. L’eau accumulée dans ces pores forme des nappes souterraines. Ces nappes agissent comme des réservoirs capables de stocker de grandes quantités d’eau pendant les périodes de fortes précipitations. Ce stockage est crucial car il permet de réguler l’écoulement de l’eau vers les sources et les ruisseaux. Au niveau de l’horizon fissuré, l’eau est libérée très lentement, à cause de la faible perméabilité des zones de stockage. Les fissures horizontales sous-jacentes collectent l’eau des différentes poches et réservoirs et contribuent principalement à l’émergence des sources et à l’alimentation des puits. Ces nombreuses sources et ruisseaux caractérisent le paysage du Grand Site de France Bibracte-Morvan des Sommets. Les sources émergent souvent à des altitudes élevées, initiant des ruisseaux qui descendent rapidement vers les vallées, rejoignant des rivières plus grandes comme la Cure, l’Yonne, l’Arroux et la Canche. Ces cours d’eau sont essentiels à la création et au maintien des zones humides et des tourbières.

Les zones humides et les tourbières du Morvan jouent un rôle fondamental à plusieurs niveaux. En tant que “puits de carbone”, elles stockent de grandes quantités de dioxyde de carbone (CO₂, en moyenne : 1500 tonnes à l’ha). Ces écosystèmes, bien que précieux, sont vulnérables aux changements environnementaux et aux activités humaines. La destruction, le drainage ou le défrichement des zones humides provoquent le relargage du carbone stocké. Ce processus augmente les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, exacerbant ainsi le réchauffement climatique.
En plus de leur rôle dans le cycle du carbone, ces milieux filtrent l’eau, régulent les crues et offrent des habitats essentiels pour une grande diversité d’espèces. Leur préservation est donc cruciale pour la biodiversité locale et la gestion de l’eau.

Le paysage agricole du Morvan est dominé par le bocage, principalement constitué de pâtures pour l’élevage bovin-naisseur. Ce type de paysage, caractérisé par des parcelles clôturées par des haies vives, est une composante essentielle de l’identité rurale de la région. La sylviculture est également omniprésente dans le Morvan. Les vastes forêts de conifères et de feuillus couvrent près de la moitié du territoire du Parc naturel régional, pouvant aller jusqu’à 75% dans les communes du Haut Morvan. Ces forêts, surtout exploitées pour le bois d’industrie avec les résineux, constituent une part importante de l’économie locale. Associées à des pratiques agricoles orientées vers les pâturages bocagers, elles maintiennent le caractère unique des paysages morvandiaux.
Le bocage et la sylviculture jouent un rôle essentiel dans la régulation du cycle de l’eau. Les haies et les arbres interceptent les précipitations, favorisant l’infiltration de l’eau et réduisant le ruissellement, ce qui aide à recharger les nappes souterraines et à stabiliser les débits des cours d’eau. Les racines profondes des arbres accèdent à des réserves d’eau souterraines qu’elles drainent vers la surface, contribuant ainsi à maintenir l’humidité du sol. Ces interactions mettent en évidence l’importance des pratiques de gestion durable pour protéger les ressources en eau et soutenir la résilience des écosystèmes.

Mais plusieurs évolutions de la configuration paysagère vécues sur le territoire peuvent menacer la bonne régulation du cycle de l’eau. Les réseaux de haies sont ainsi menacés par l’entretien mécanique et la concentration foncière dans une région où la population agricole est vieillissante. La forêt, sous la triple action de la déprise agricole, des conversions résineuses et du changement climatique, continue d’évoluer. Les principaux signes de ces modifications sont l’enfrichement qui augmente la surface forestière et la multiplication des coupes rases d’exploitation du bois ou des conversions de parcelles feuillues en parcelles résineuses. L’exploitation intensive de ces résineux sous la forme de monoculture fait débat, et plusieurs études montrent le risque de celle-ci en matière d’érosion ou de perturbation sur le cycle de l’eau.

Si le rôle des écosystèmes naturels dans la régulation de l’eau est primordial, ceux-ci sont ainsi fortement modifiés par les activités humaines actuelles ou passées. Autrement dit, l’humanité exerce une influence sur le milieu aquatique par son action sur les paysages agraires et forestiers ou par sa gestion des ressources hydriques.
Les témoignages des usages passés de l’eau, en effet, ne manquent pas, que ce soit sur le terrain, ou aux Archives. Les recherches historiques et archéologiques montrent la profondeur temporelle de cette gestion des ressources hydriques dès la protohistoire. Certaines traces de l’action humaine sur ce milieu dit “naturel” ont traversé les siècles. C’est par exemple le cas du tracé de la haute vallée de l’Yonne, hérité en partie d’aménagements réalisés dans le cadre du flottage du bois de chauffage ; il en est de même de l'impact paysager de l’hydraulique rurale antique, médiévale et moderne (moulins, biefs, production d’énergie, rigoles d’irrigation, etc.) sur le versant ligérien. Retrouver ces informations hydro-morphologiques, pour beaucoup encore presque inconnues, s’inscrit dans une démarche d’histoire et d’archéologie du paysage. C’est ainsi toute une économie passée de l’eau qui réapparaît et continue d’exercer son influence sur le milieu.

Des nuages à vos fontaines, vos lavoirs, vos abreuvoirs et vos robinets, cette eau à donc déjà une histoire propre à ce territoire. Cette histoire vit aussi dans chacun⸱e de ses habitant⸱e⸱s qui en font l’expérience au quotidien : capter l’eau demande une connaissance fine des paysages, des sources, des cours d’eau, des techniques précises et des modes d’organisation autour de la ressource. Certains de ces savoirs se sont transmis, d’autres se sont perdus et méritent d’être retrouvés pour faire face aux changements actuels.

C’est donc entendu : le Morvan des Sommets est un château d’eau. Ce que traduisent les multiples sources, rigoles, ruisseaux et rivières omniprésents dans un paysage qu’ils ont contribué à façonner et que symbolise ce dessin. Mais pourquoi et comment l’eau de la pluie prend-elle, dans son parcours, toutes ces formes ? Comment les femmes et les hommes de ce territoire ont-ils exploité cette ressource vitale et pris soin d’elle géographiquement, historiquement, économiquement et même biologiquement ? Comment se sont-ils transmis ces savoir-faire, de génération en génération ? Et qu’en reste-t-il dans nos pratiques d’aujourd’hui ? COUDRIER a été créé pour tenter de répondre à ces questions… avec vous.

* Voir la définition des termes dans le glossaire.

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