Des granites aux sources : une histoire hydrogéologique du Grand Site de France
Du granite du Haut Folin aux sources de Bellefontaine et de la Roche Suize : une longue histoire géologique qui pourrait servir de modèle conceptuel pour comprendre les sources du Mont Beuvray et de sa région (Grand Site de France).
Avant de lire ce récit, il est conseillé de parcourir la page thématique “L’eau du sous-sol et les sources”.
La géologie du Grand Site de France (GSF) est en partie dominée par un système magmatique hydrothermal, présent dans la partie ouest du granite du Haut Folin et sur la bordure ouest du batholite* de Luzy. Ces deux ensembles particuliers ont une histoire géologique similaire. Ils contribuent aujourd’hui à former des aquifères de socle d’un type particulier et très mal documenté. Pour comprendre les différents sites d’étude, il est donc essentiel de les envisager dans leur contexte régional et de ne pas trop les dissocier. Ce texte présente l’histoire géologique régionale avec un focus particulier sur les événements tournaisiens et viséens, ainsi que sur les événements tertiaires (mot clef : échelle stratigraphique, https://www.pairform.fr/echelle-stratigraphique-un-apercu-des-temps-geologiques-et-evenements-marquants.html).

La région du Morvan se trouve au cœur de la chaîne varisque, qui s’est édifiée entre 360 et 300 millions d'années (Lien chaîne varisque : https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/chaine-varisque-France-5.xml). Entre 359 et 345 millions d'années (Tournaisien), deux supercontinents, Gondwana au sud et Laurussia au nord, entrent en collision pour former ce qui provoque la formation d’une grande chaîne de montagnes qui traverse l’Europe occidentale. Dans le Morvan, cette collision est moins intense, et les reliefs sont modérés, comme en témoignent les formations sédimentaires tournaisiennes avec leurs calcaires marins (carrières de marbre du Puits, et de Champ-Robert, Figs 1 et 2)). À la fin du Tournaisien, un premier épisode volcanique se développe et s’intensifie au Viséen (345-326 millions d'années). A cette époque, des formations volcaniques intenses de type “ignimbritique” associé à des caldeiras se développent (lien vers ignimbrites et caldeiras : https://laculturevolcan.blogspot.com/2016/03/les-ecoulements-pyroclastiques-des.html). Des formations d’anthracite témoignent de l’existence d’anciennes forêts dans la même période, lors d’épisodes plus calmes. L’ensemble est marqué par l’intrusion de granites de même composition et du même âge que les formations volcaniques, bien que légèrement plus jeunes (les âges sont en cours d’interprétation).
À la fin de la cristallisation des granites, des circulations hydrothermales ont altéré les roches, les rendant plus poreuses (formation de type “greisen” où le feldspath se transforme en muscovite*, donnant 10 % de porosité). Ces roches particulières se trouvent en amont du site de Belle-Fontaine (Arleuf), aux Roches-Suize et au niveau du mont Beuvray.
Cet ensemble de faible élévation a été préservé de l’érosion par rapport à l’est du Massif Central. Au Trias, le Morvan est pénéplané (très largement érodé par le réseau hydrographique) et les roches affleurantes sont altérées par le climat, développant un niveau poreux de surface (50-100 m maximum). Cette seconde altération forme un second aquifère avec deux horizons : l’un épidermique constitué d’arènes* et d’altérites, et l’autre, sous-jacent, constitué de fractures (horizon fissuré, https://www.researchgate.net/publication/267333022_Influence_des_processus_de_melange_sur_la_chimie_des_eaux_souterraines_application_au_site_de_Ploemeur/figures?lo=1&utm_source=google&utm_medium=organic). Finalement, les terrains sédimentaires recouvrent le socle du Morvan jusqu’aux mouvements tectoniques tertiaires qui érodent la couverture sédimentaire, initiant un second cycle d’altération superficielle et d’érosion pour aboutir à la situation actuelle.
L’analyse de cette histoire permet d’identifier deux types d’aquifères principaux : les formations hydrothermales anciennes et les formations superficielles liées aux altérations climatiques, quand elles ne sont pas érodées.
Analyse de terrain
Les Roches-Suize et le greisen du Laudray (Belle-Fontaine) ont été étudiés par un étudiant lors d’un stage de Master en 2023, et des études complémentaires ont été réalisées en 2024.
1. Belle Fontaine
Le greisen du Laudray (Belle-Fontaine) est situé à l’ouest du granite du Haut-Folin.
Le greisen du Laudray est une formation particulière susceptible de former un aquifère alimentant une source pérenne: la source de Belle-Fontaine. C’est une formation volcanique (ignimbritique) initialement de même composition et même signature géochimique que le granite du Haut-Folin. Les travaux de terrain ont permis d’identifier un greisen qui avait été exploré par le BRGM lors du dernier inventaire minier. Ils avaient notamment identifié un indice minéralisé à mispickel* (ou arsénio-sulfure de fer, FeAsS) avec d’anciens travaux miniers. Les échantillons montrent un système de veines de quartz développant des altérations de type greisen sur ses bordures. La plupart des sulfures ont été oxydés en surface, donnant une patine rouille. Les altérations montrent des chlorites et des muscovites qui ont été analysées à la microsonde, permettant de déduire des températures de l’ordre de 350 °C et 1 kbar (1 km de profondeur) lors de la formation du greisen.
Une mesure de débit réalisée le 05/04/2024 a donné un débit de 17 l/s. Les habitants ont confirmé la présence d’arsenic dans les eaux, marquant un lien clair avec le mispickel du greisen. L’âge du greisen pourrait être déterminé afin de confirmer son lien avec l’événement magmatique.
2. Les Roches Suize
Les Roches-Suize sont situées dans le prolongement ouest du greisen du Laudray, au sommet de la colline des Butteaux où se trouvent les deux affleurements rocheux ainsi nommés. Il s’agit de brèches hydrauliques cimentées par du quartz. Les fragments constitués de granites sont altérés en greisen. Associée au quartz, de la scheelite (tungstate de calcium, CaWO4) et des sulfures, aujourd’hui oxydés, ont été identifiés. Les chlorites des altérations ont été analysées à la microsonde et suggèrent une température plus faible de l’ordre de 200 °C. Plus bas, au niveau de la première rupture de pente, plusieurs captages sont connus. Leur fonctionnement est probablement similaire à celui observé à Belle-Fontaine.
L’ensemble Laudray et Roches-Suize fait partie d’un vaste système hydrothermal associé à la mise en place du granite du Haut-Folin, constituant un exemple classique d’hydrothermalisme ancien de type départ acide associé aux gisements de Sn-W* (étain-tungstène). Ces éléments bien identifiables se retrouvent de manière plus discrète dans le contexte du mont Beuvray.
3. Le Mont Beuvray

La géologie du mont Beuvray a été étudiée en 2023 et des analyses complémentaires ont été réalisées en juin 2024. Le mont Beuvray est un vaste synclinal perché (Fig.2). Les formations tournaisiennes plissées sont à la base sédimentaires, puis volcaniques vers le sommet. Il est raisonnable de supposer que des caldeiras de tailles modestes se sont formées et ont été comblées de dépôts lacustres (litages très fins visibles sur l’affleurement du Theurot de la Roche où des figures de charge classiques sont identifiables). L’ensemble des formations est affecté par un hydrothermalisme postérieur à quartz, chlorite, muscovite, oxydes (sphène et cassitérite) et sulfures (pyrite, galène, bismuth, figs. 3 et 4). Les roches y subissent également une altération de type greisen, et il est probable que cet hydrothermalisme soit associé à des intrusions visibles sur la bande de contact. Les analyses pétrographiques montrent que la porosité est ici constituée par les altérations de type greisen et les oxydations des pyrites (drainage acide minier naturel). Les températures déduites des chlorites sont de l’ordre de 300 °C, et les pressions déduites des compositions de muscovites de l’ordre de 2 kbar (2 km de profondeur en pression hydrostatique). Par ailleurs, les fouilles du rempart de Bibracte au niveau des Grandes Portes ont mis en évidence le développement d’argiles au niveau des fractures. Sur ce site, on observe donc une combinaison de plusieurs aquifères : un aquifère de type hydrothermal et un aquifère de type formation superficielle.


Les sources sont situées en hauteur, au niveau de la première rupture de pente, où la topographie de l’aquifère recoupe la topographie du relief. Les mesures de débits suivantes ont été réalisées en 2023 :
Nom de la source | 17/02/2023 | 17/05/2023 |
---|---|---|
Côme Chaudron | 0.37 l/s | 1.79 l/s |
Fontaine Saint Martin | 0.08 l/s | 0.21 l/s |
Fontaine Saint Pierre | 0.54 l/s | 0.94 l/s |
Fontaines de l'écluse | 1.90 l/s | 2.50 l/s |
Fontaine de la Répe | 1.26 l/s | 1.41 l/s |
Fontaine Grenouillat | 0.11 l/s | 0.11 l/s |
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