Organiser des moments collectifs et conviviaux de recueil de récits liés à l'eau
Auteur·ices : C. Darroux, C.Guénon, J-P. Girard
Qu’est-ce qu’une ethnographie collective et à quoi ça sert ?
Que vous soyez ici depuis toujours ou récemment arrivé, vous pouvez avoir envie d’organiser un temps convivial avec vos voisins pour apprendre ou transmettre des récits sur le lieu où vous vivez. Nous vous proposons de vous accompagner pas à pas dans une méthode inspirée de l’ethnographie et de la recherche en éducation populaire. Il s’agit de transformer une soirée collective ou l’heure du thé avec quelques personnes qui résident dans le village depuis longtemps, en un moment de lien social et familier où le groupe apprend sur lui-même afin de mieux se connaître. Vous serez enfin initié à documenter avec respect les propos échangés pour renforcer la transmission des savoirs ethnographiques liés à votre lieu de vie.
L’ethnographie collective est une méthode qui s’appuie sur la philosophie pragmatiste de John Dewey (Théorie de l’enquête), où l’on considère le réel comme étant en évolution continuelle. Nous avons donc besoin d’observer collectivement et de questionner régulièrement depuis un maximum de points de vue différents le réel commun afin d’envisager avec justesse nos perspectives communes. Elle rencontre également l’approche de sociologie environnementale de Bruno Latour (Description des terrains de vie), où la description très fine des terrains de vie aide à choisir les bons engagements pour bien vivre ensemble. Elle permet de sortir de la hiérarchisation des savoirs en faisant la place aux savoirs situés, décrits par Donna Haraway et Benedikte Zitouni, où il s’agit de faire importer les contextes variés des expériences de personnes très différentes qui produisent des savoirs (chaque savoir, même scientifique, n’étant que partiel). Il s’agit de favoriser la rencontre de ces savoirs situés, pour faire la place aux ambivalences de ces savoirs produits par des personnes qui coexistent dans un même environnement. Ainsi les savoirs considérés sont moins ordonnés par la domination des uns sur les autres. Cette méthode permet également d’éviter de figer les groupes humains et leur culture grâce à une enquête qui intègre sans cesse l’actualité et des nouvelles personnes. Elle permet enfin d’accéder aux récits collectifs comme aux histoires singulières des personnes présentes.
Vous verrez, cela peut devenir simple et intuitif. Vous pourrez partager vos résultats sur ce site en publiant un texte racontant ou décrivant les échanges et en déposant les documents, ou en citant les lieux évoqués ensemble. Nous vous proposons de lire un exemple ici mais sentez-vous libre dans votre manière de restituer ce moment convivial.
Si vous avez décidé de vous lancer, nous vous proposons la méthode suivante :
Comment organiser une rencontre d’ethnographie collective ?
Avant la rencontre
COUDRIER s’intéresse à l’eau, ses usages passés ou anciens (d’il y a quelques années à quelques siècles). Vous aussi, vous pouvez enquêter sur les usages de l’eau autour de chez vous.
📌 Fixer le sujet
❓ Faire de la curiosité une qualité
📆 Prévoir les date, heure et lieu de la rencontre
🍽️ Prévoir le moment de convivialité
📩 Inviter les gens
🎩 Penser à l’animation de la rencontre
📝 Garder des traces
Commencez par fixer le sujet de votre enquête à partir d’une observation concrète qui vous a interpellée : le lavoir à moitié enfoui dans les broussailles, la source qui donne naissance à un petit cours d’eau traversant le hameau, le nom des lieux dits qui évoquent la présence de l’eau, une plante qui était utilisée pour purifier l’eau, une histoire de laveuse… Au fil de l’enquête d’autres sujets peuvent émerger.
Ensuite vous pouvez discuter et sympathiser avec les personnes du lieu afin de partager votre curiosité et votre intérêt. Elles vous aideront à repérer des personnes susceptibles de connaître des choses sur le sujet, et des gens animés de la même curiosité bienveillante et qui aimeraient en savoir plus (jeunes, nouveaux arrivants, etc.).
Fixez (éventuellement avec les autres protagonistes) la date et l’heure de la rencontre. Une invitation de vive voix est la plus efficace pour les personnes repérées (visite ou téléphone), mais vous pouvez préparer une invitation, un petit mot pour les boîtes aux lettres ou pour le panneau d'affichage, afin de donner envie à d’autres gens de venir. Il est tout à fait possible de proposer une rencontre informelle où bien de s’inscrire dans un cadre déjà intégré dans le paysage local (fête des voisin·es, par exemple).
Prévoyez un temps déterminé (1h à 2h maximum) et clôturez par un moment de convivialité : chacun·e amène quelque chose à partager et les discussions continueront librement.
Préparez les échanges en rassemblant un peu de documentation sur le sujet : des choses écrites sur le village, des anecdotes connues, des évènements récents, des récits qui vous ont été transmis, des photos, les noms de figures locales, ... Vous pouvez aussi explorer la cartographie disponible ci-dessous, et inviter les participant·es à sortir des photos anciennes, des cartes postales ou des documents de leurs archives personnelles.
NB : pour vous aider dans la lecture et l’utilisation des cartes proposées, référez-vous au tutoriel “Rechercher des usages historiques de l'eau dans les archives”.
Anticipez l’animation de ce temps collectif : comment accueillir les gens, dans quel lieu, (préférez les installations en cercle de chaises ou autour d’une table si vous êtes peu nombreux), comment lancer les échanges (préparer des questions ouvertes, par exemple), comment distribuer la parole, et comment clôturer (voir des conseils pratiques dans les 3e et dernier paragraphe du chapitre "Pendant"). Plusieurs rôles peuvent être identifiés et attribués (gardien du temps, celui qui distribue la parole, etc.).
Pour que cela dépasse le cercle des personnes présentes et du moment, il est nécessaire de garder des traces de cette rencontre et des échanges : prise de notes pour une restitution écrite (si c’est le cas, qui assurera ce rôle ?), enregistrement, … Prévoyez également le matériel dont vous aurez besoin pour ce faire.
Pendant la rencontre
Commencez par un « tour de table » où chacun.e se présente par son prénom (ainsi que son rôle éventuel : animation, prise de note, etc.) en disant quelques informations permettant de situer sa parole (ancienneté dans le village, métier, hobby, fonction d’élu, attachement aux lieux, …) et ce qui motive sa présence.
Ensuite, lancez les échanges en expliquant ce qui a inspiré l’organisation de ce moment collectif, ou en partageant des questionnements, des découvertes, des documents, etc. Soyez un peu drôle pour détendre l’atmosphère, puis laissez les autres participant·es rebondir et proposer leurs réflexions. Vous pouvez ensuite poser des questions dans le but de faire préciser ou de faire raconter des anecdotes aux participant·e·s. C’est très important de pouvoir sortir des questions-réponses, certaines questions ouvertes sont plus favorables : “Vous rappelez-vous la première fois que vous avez utilisé…”; “pouvez-vous nous raconter qui était ce monsieur ?”.
Prenez garde à tenir le temps qui aura été fixé (1h ou 2h maximum) et à ce que chacun·e puisse s’exprimer si il ou elle en a envie. Désamorcez les débats « ping-pong » entre deux personnes qui se répondent mutuellement, pour cela il suffit de faire circuler la parole et de relancer éventuellement d’autres questions : s’enquérir du passé (comment on faisait avant ?), du présent, des désirs et des attachements, du lien à l’eau.
C’est un moment de fabrication de commun* (et pas un atelier de travail), les participant·es sont là pour construire ensemble des connaissances, partager des informations, dans des liens de familiarité. Soyez très respectueux des associations d’idées, des envies de parler d’autres sujets : vos questions aident l’assemblée à prendre la parole, votre enquête n’est pas policière. Ne cadrez pas trop les discussions pour que l’ambiance soit conviviale et que les digressions vous emmènent à comprendre des choses, sur le fonctionnement du village ou sur la culture locale, dont vous n’aviez pas idée jusque-là. Les savoirs produits ne seront pas du tout de même nature que dans une séance identifiée “travail” avec une forme de savoir qui ferait “autorité”.
Notez les lieux précis qui sont évoqués, la manière de nommer les choses du paysage en langue locale, entrez dans le détail de ce qu’on vous raconte en demandant au locuteur ou à la locutrice de préciser. Tout cela vous servira pour la restitution. Si les personnes sont d’accord, vous pouvez prendre en photo les documents apportés pendant la séance et noter le nom de leur propriétaire.
Expliquez qu’il y aura une phase de validation de la restitution par tou·te·s les participant·es avant qu’elle soit publiée sur la plateforme, pensez à la manière dont cette validation pourra être faite (envoi d’un mail, venir lire à domicile pour celles et ceux qui n’ont pas internet).
Vous pouvez également évoquer en clôture des échanges les suites à donner à cette rencontre (une nouvelle rencontre sur un autre thème, la volonté de poursuivre en s’aidant d’autres personnes ressources, une balade pour explorer les éléments qui auront été évoqués, etc.).
Comment restituer la rencontre ?
Après ce moment d’échange et de convivialité, il s’agira de traiter les notes ou l’enregistrement effectués.
Pour rendre compte fidèlement de la parole des participant·e·s, il faut utiliser leurs mots exacts, ne pas reformuler ou résumer. Si la seule trace de la rencontre est écrite, le ou la secrétaire doit bien avoir cela en tête pour noter des phrases entières et être au plus près des mots des gens.
S’il s’agit d’un enregistrement, fixez-vous quelques règles de transcription pour passer de la langue orale à la langue écrite (restituer toutes les parties de la négation, remplacer les scories de l’oral -fautes, hésitations et bafouillements, remords et retours en arrière, etc.- par de la ponctuation, compléter ou non les phrases laissées en suspens, etc.). L’important est de vous tenir à ces quelques règles pour que la transcription soit homogène et rende bien votre impression dans le moment d’écoute.
L’enjeu est d’obtenir un texte dans lequel les gens se reconnaissent (par l’intention et le contenu de leur parole), sans les nommer, et qui pourra être rendu public. Ils doivent pouvoir se reconnaître dans le niveau de langage que vous utiliserez.
La restitution sera chronologique et peut être découpée en chapitres reprenant les mots-clefs de ce qui est abordé. Rendez bien compte de tous les sujets qui ont été abordés en apportant des extraits de verbatim (les paroles dites par les gens) pour donner de la matière aux lecteur·ice·s qui n’y étaient pas. L’ethnographie ne se limite pas au thème que vous avez choisi, elle embrasse le moment entier de la rencontre, les plaisanteries, l’ambiance, l’émotion de certaines paroles, les apartés, etc. Apportez un peu de description depuis votre point de vue, en utilisant la première personne : “j’ai apprécié l’ambiance joyeuse”, “j’ai senti des gens mal à l’aise quand on a parlé de tel sujet”, etc.. Vous aussi, vous êtes “situé” et vous avez des savoirs spécifiques.
Si les personnes ont donné leur accord, les photos et documents partagés pendant la rencontre ou trouvés ensuite pourront être numérisés pour y être intégrés. Il vous sera demandé, pour chaque document, d'indiquer s'il s'agit :
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d’un fichier dont vous êtes le propriétaire ;
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d’un fichier sous licence (dans ce cas, notez de quelle licence il s’agit - Creative Commons ou Open Licence-, le Copyright, et, si concernés : la cote d’archive complète et le lien URL d’accès)
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d’un fichier dans le domaine public (dans ce cas, notez le nom de l’auteur·ice, et, si concernés : la cote d’archive complète et le lien URL d’accès)
Une fois la restitution achevée, il faudra prévoir un temps de validation par tou·te·s les participant·es. Comme dit précédemment, discutez, avec elles et eux, de la manière de valider, à la fin de la rencontre .
Une fois cet accord obtenu, vous pourrez alors déposer en ligne votre restitution via le formulaire accessible en cliquant sur “Participer”, ci-dessous. Les rubriques suivantes vous seront proposées :
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Date et lieu de la rencontre : à l’échelle de la commune ou du hameau
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Public présent : donnez une vue d’ensemble du public présent, sans identifier directement les personnes (voir l’encadré sur les données personnelles ci-dessous). Exemple : “La rencontre a rassemblé 8 personnes. 4 sont retraitées et sont nées dans le village, 3 sont des nouveaux arrivants, 1 personne venait du village de xxx. Seules 2 personnes avaient entendu parler de xxx, mais tous les autres étaient curieux d’en apprendre plus et sont venus partager leurs questionnements et leurs découvertes autour du sujet…”
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Objectifs et motivations
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Restitution
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Documents partagés pendant la rencontre, ou en complément de la rencontre, et leur origine
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Localisation d’éléments évoqués lors de la rencontre : vous pouvez utiliser les cartes ci-dessous pour explorer à l'avance le territoire du GSF et repérer où sont les éléments évoqués
Attention ! Il vous incombe de respecter le règlement général sur la protection des données (RGPD) : ne citez pas les noms des personnes présentes dans votre restitution, et ne donnez pas d'informations qui les rendent directement identifiables. Les participant·es à la rencontre et la personne qui en formalise la restitution sont co-auteur·ices du document, toute diffusion doit donc se faire avec le consentement de chacun d’eux. Les photos, images ou documents partagés doivent l’être avec le consentement et la mention de leur auteur.ice et/ou propriétaire. |
Ne vous inquiétez pas, en cas d’erreur vous pourrez modifier les éléments que vous aurez saisis.
Surtout, pensez à faire un retour aux participant·e·s : leur transmettre le lien vers ce site COUDRIER, leur montrer via votre téléphone, par exemple. Il s’agit de valoriser leur parole et de montrer l’intérêt que vous y accordez.
Rappelez-vous qu’il ne s’agit pas juste de compiler des données, il s’agit de créer des relations au sein du village pour faire émerger des savoirs discrets qui font le liant de la vie locale. Chacune de vos ethnographies collectives renforcera le lien social, la vie et l’attention dans votre lieu de vie, ainsi que la capacité collective de produire et transmettre des savoirs de plus en plus fins et diversifiés sur des aspects du réel dont peu de gens ont connaissance à part vous et votre petit groupe. Ces savoirs sont aussi très précieux pour l’ethnologie qui est la discipline qui va analyser un ensemble d’ethnographies sur un même territoire.
Bonne enquête !
* Voir le glossaire
Le patrimoine archéologique est fragile et non renouvelable. Ensemble, protégeons-le face au pillage !
Extraire des objets archéologiques au moyen de fouilles clandestines ou avec l’aide de détecteurs de métaux, sans disposer d’une autorisation du Service régional de l’Archéologie, constitue une infraction pénale. La mise en ligne du relevé LiDAR est réalisée dans un souci de transparence et pour offrir à tou·te·s des moyens de production de connaissances. En aucun cas il ne constitue une incitation à la fouille clandestine ou au pillage archéologique. C’est en étant collectivement vigilants que nous contribuerons à la protection de notre patrimoine commun et à la production de connaissances sur le territoire du Grand Site de France, au sein de COUDRIER.
Pour plus de renseignements, consultez la page dédiée.
Le relevé LiDAR Morvan-Grand Vézelien 2019 couvre l’ensemble du territoire du Parc naturel régional du Morvan. Cette acquisition d’une topographie à échelle très fine est le fruit du travail d’un consortium regroupant l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, le Conseil Départemental de la Nièvre, la DRAC Bourgogne-Franche-Comté, la DREAL Bourgogne-Franche-Comté, la Maison des Sciences de l’Homme de Dijon (UAR CNRS-uB 3516) et l’Office national des Forêts.
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Fusion et traitement des dalles du relevé LiDAR : Bibracte / Vincent Balland et Arnaud Meunier
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Mise en ligne et sur Géoserveur : Bibracte / Patrick Toutain et MNHN -MOSAIC/ Pablo Prieto et Céline Pelletier
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